jeudi 19 mars 2009

Un peu de réflexion…

Une fois n'est pas coutume, c'est le moment de nous jeter des fleurs, surtout après une si importante journée de manif. Rappelons que les cortèges universitaires représentaient environ 100 000 personnes.

Les professeurs, "Le Loup et Le Chien", par Philippe d'Iribarne

LE MONDE | 18.03.09 | 14h13



Ceux qui vivent dans d'autres univers sont étonné par la révolte des professeurs d'université. Pourquoi une telle réaction face à une tentative de réforme qui n'a pour objet que de répandre dans le monde universitaire des manières de faire - l'appel à la concurrence, l'évaluation systématique, la récompense du mérite - dont la vertu est largement reconnue ailleurs ?

Pourquoi quelques propos du chef de l'Etat, certes malheureux mais qui ne vont pas au-delà des excès de langage dont il est coutumier, ont-ils suscité un rejet aussi passionné ? La fable Le Loup et Le Chien nous éclaire. Le loup mène une vie misérable. Mais il est libre. "Flatter ceux du logis, à son maître complaire" ne font pas partie de ses obligations. Nulle trace de collier sur sa nuque. Le chien est prospère, mais soumis. Le loup envie le chien à bien des égards, mais n'est pas prêt à payer le prix qu'exige l'accès à sa condition. Les professeurs lui ressemblent.

La situation matérielle des professeurs d'université est pitoyable. Même à l'aune des standards de la haute fonction publique (ne parlons pas des entreprises), leur feuille de paie, primes comprises, paraît ridicule. Pas question pour eux de bureau décent, de voiture de fonction ou de secrétaire. Ils volent en classe économique.

Mais ils sont libres. Ils conçoivent leurs cours comme ils l'entendent, font les recherches qu'ils trouvent bon de faire. Et si quelques-uns (plutôt parmi les chercheurs) ne font pas grand-chose, le fait même qu'ils ne soient pas sanctionnés est la preuve que ceux qui, en grande majorité, travaillent dur, le font de leur plein gré, sans que rien les y contraigne.

Les évaluations ne manquent pas, mais les procédures mises en oeuvre font plus appel à l'estime des pairs, qu'il est honorable de rechercher, qu'à une forme d'esprit de cour. De plus, ce que l'on gagne à être bien évalué est tellement minime que celui qui n'en a cure n'en voit pas son existence significativement troublée.

C'est à cette condition que s'attaque la réforme du statut des universitaires. Il s'agit pour l'essentiel de laisser au loup la condition matérielle qui est la sienne tout en voulant lui imposer la forme de servitude qui est l'apanage du chien. Si la réforme passe, même amendée à la marge, il va y avoir beaucoup à gagner, à quémander, auprès des petits potentats que vont devenir les présidents d'université.

L'estime des pairs va devenir moins importante, quand il s'agit d'être jugé, que la diligence avec laquelle on se soumet à des critères (nombre de publications, nombre de fois où l'on est cité) qui favorisent celui qui bêle avec le troupeau par rapport à celui qui pense librement.

Pourquoi les princes qui nous gouvernent et leur entourage ne sentent-ils rien de cela et se font-ils tellement tirer l'oreille pour revoir leur copie ? Peut-être l'esprit de cour est-il tellement devenu chez eux une seconde nature qu'ils ont du mal à comprendre que certains ont fait d'autres choix.



Philippe d'Iribarne est directeur de recherche au CNRS.

11 commentaires:

Anonyme a dit…

Sacré Iribarne. Aujourd'hui il nous parle de l'étrangeté française dans le Monde.
...et dans deux semaines il nous parlera de la logique de l'honneur dans le figaro !! ...pour nous faire réfléchir aux motivations agitant ces masses de grévistes.

Anonyme a dit…

Bonjour,

je voulais juste faire une rectification à la suite de l'AG du jeudi 19 mars. En effet vous avez été plusieurs à mentionner le fait qu'une bijouterie de la place de l'hôtel de ville était entourée par des fils "la police vous protège" lors du passage de la manifestation.
Tout de suite, vous vous êtes empressés d'accuser, en ironisant ou non, la mairie du Havre, la police et d'autres de ne protéger que ce qui l'intéressait, à savoir une bijouterie, symbole d'une certaine catégorie sociale.

Laissez moi vous faire savoir que cette bijouterie en question venait de subir une tentative de hold up à 9h30 le matin même, peu de temps avant que la manifestation n'arrive à l'hôtel de ville. Cela me semble donc normal qu'au moment précis où la manifestation passait au niveau de l'hôtel de ville, il y ait encore la police et pourquoi, pas une protection extérieure.

Vous ne pouviez pas savoir, sûrement, mais tout de même, cette remarque est un exemple de votre régulière mauvaise foi !

Anonyme a dit…

En tant qu'étudiant, je n'ai pas l'impression que ces personnes haut placées est le moindre sentiment de ce qui s'appelle l'innovation.
Quand un ancien message parlait de lien social, maintenant quoi de plus simple, vous créez un profil sur facebook et vous demandez que l'on vous rejoigne et pourquoi facebook serait seulement américain ? Pourquoi ne pas en développer un français mais dans les médias rien de ça. Vraiment, je ne connais pas tout ce que fait la recherche mais sur certains point, elles se laissent très vite dépassé. Au lieu de râler, travaillez et innovez, nous ne sommes ni des loups ni des chiens, ravalez votre fable de l'ancien temps Monsieur, ceci n'est qu'un texte de littérature.
Faites des choses utiles au lieu de râler, à moins que vous ne soyez plus en état de travailler au quel cas, je comprenais en riant aux éclats que vous ne puissiez plus assumez votre rôle dans la recherche.

Anonyme a dit…

Pardonnez-moi pour l'orthographe compréhensible mais vite fait écrit. Au lieu de faire Madame Irma en prévoyant le futur qui n'existe pas encore, cela pourrait vous occuper.

Avec mon respect.

Anonyme a dit…

A mon avis vous vous trompez fortement. La recherche n'est pas uniquement basée sur des innovations commerciales ( et heureusement sinon les innovations par exemple pour la médecine qui ne sont pas rentable auraient fini aux oubliettes, qu'elle dommage que ce monde ne tourne qu'autour de l'argent ).

Votre exemple avec facebook n'est pas des meilleurs, surtout quand on voit les atteintes à la vie privée.

Je trouve ce texte plein de poésie et de vérité. Très habile de faire passer son message à travers une fable.

Anonyme a dit…

Au Havre, la manifestation a réuni de 12.000 (selon la police) à 35.000 personnes (selon les syndicats)

j'adore la différence de chiffre

et dire qu'au ag au compte de la même façon

Anonyme a dit…

très réaliste ton message anonyme de 22h15

Anonyme a dit…

et il est paye combien de l'heure ce pauvre loup?

Anonyme a dit…

Reste une question : qui a décrété que les enseignants-chercheurs étaient des loups ?
Ils dépendent de l'Education Nationale non ?
Serait-ce le seul employeur à ne pas avoir le droit d'évaluer ses employés ?
Je ne dis pas que la réforme est bonne en l'état (ni la parabole d'ailleurs), mais je persiste à penser qu'elle mérite négociation et que les intentions ne sont pas mauvaises.

Anonyme a dit…

Wouhou j'ai le dernier mot...
Et vive le flood...

Anonyme a dit…

je ne voit pas pourquoi certains enseignants chercheur refusent d'être évaluer c'est déja le cas pour monter en grade donc ce n'est pas si dramatique , le bémol serait les heures de cours rajouter c'est vrai que la recherche prend du temps et il faut préserver ce temps donner au enseignants chercheur pour les recherches

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