Edito du Monde
Faute lourde
LE MONDE | 13.02.09 | 14h10
Nicolas Sarkozy se
targue volontiers de dire tout haut ce qu'il pense, sans les prudences
de rosière de ses prédécesseurs. Mieux vaut, à ses yeux, un débat
ouvert, direct, voire musclé, plutôt que les ambiguïtés et les
malentendus. Cette témérité lui a déjà valu quelques déboires ; elle
est en train de le conduire au désastre avec les universitaires et les
chercheurs.Le 22 janvier, lançant à l'Elysée la réflexion "pour une stratégie nationale de recherche", le président de la République a donc dit tout haut ce qu'il pense de la recherche française. Son "importance primordiale" pour le pays, bien sûr. Mais aussi, mais surtout, son "immobilisme", sa "frilosité", sa stratégie du "repli sur soi", ses "structures obsolètes", ses "reculs" dans la compétition et les classements internationaux. Sans oublier des "universités faibles, pilotées par une administration centrale tatillonne", dans le cadre d'un "système infantilisant". Sans oublier enfin l'absence "consternante" d'évaluation.
Jolie
philippique ! Qui a réussi, depuis, à fédérer la révolte de l'ensemble
de cette communauté. La respectable Académie des sciences a fait part
de sa "vive émotion" et déploré le caractère "injuste" du jugement porté par le président sur une recherche "qui se place dans les premiers rangs" au plan mondial. Plus virulents, cent quarante membres de l'Institut universitaire de France (qui rassemble et soutient la "crème" de la recherche universitaire) viennent d'adresser à Nicolas Sarkozy une lettre cinglante, dénonçant ses "sarcasmes" et son "manque de considération", et concluant : "Il
s'écoulera du temps avant que la majorité des enseignants-chercheurs de
notre pays recouvre un semblant de confiance en ses dirigeant(e)s."
Quant
à la grande masse des universitaires, de tous bords et toutes
disciplines, ils ont été très nombreux à exprimer leur ras-le-bol dans
la rue le 12 février et s'apprêtent à le refaire la semaine prochaine.
Ils rejettent désormais l'ensemble des réformes proposées par le
gouvernement, qu'il s'agisse de leur statut, de la formation des
professeurs ou de la réorganisation de la recherche et du CNRS. Sans
même parler des 900 suppressions de postes annoncées pour la rentrée
2009.
Le gouvernement aura beau faire et dire, avec ou sans
médiatrice, il aura le plus grand mal à recoller les morceaux. On ne
construit pas une réforme - nécessaire - sans un minimum de respect
pour ses interlocuteurs. En l'ignorant, le chef de l'Etat a commis une
faute lourde.
http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/02/13/faute-lourde_1154957_3232.html
1 commentaire:
la question est néanmoins de savoir si la situation actuelle provient seulement d'une "maladresse" du président, ou si nous sommes face à un tournant plus profond. La CPU après avoir avalisé toutes les réformes commence à remettre en cause l'ensemble et semble vouloir revenir en arrière. C'est bien le processus lui_même qui est remis en cause, il s'agit donc de refonder l'Université et d'aller vers de nouveaux états-généraux
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